METRIQUE DES VOIES ANTIQUES

     C'est la synthèse de ces différentes informations qui permettra d'établir une proposition de cheminement et de localisation réaliste. Pour l'autorité romaine, il ne pouvait y avoir qu'une seule valeur pour les lieues de la Gaule, comme cela découle du texte d'Ammien Marcellin : la lieue d'un mille et demi

"De l'endroit où les enseignes romains avaient commencé à se mettre en mouvement jusqu'au retranchement barbare, on comptait 14 lieues, c'est à dire 21000 pas".

     Chiffre confirmé, au VIe siècle, par l'évêque Jordanis , qui écrit "La lieue gauloise vaut 1500 pas ". Rappelons que mille pas = 1481 m soit 2222 m pour la lieue d'un mille et demi. Ammien Marcellin exprime simplement la politique d'assimilation de Rome, soucieuse d'utiliser la grande unité de ce pays conquis, tout en la rendant compatible avec ses propres unités. Le fait de présenter un rapport rond avec le mille permettait ainsi des déterminations de distances cohérentes.

     Les lieues indigènes, probablement bien antérieures à la conquête, n'avaient aucune raisons d'être standardisées au niveau de tant de peuplades et de civitates, ni d'avoir un rapport de relation quelconque avec le mille romain. Ces lieues existaient, comme existaient les grands axes de circulation reliant les cités gauloises. Mais à la différence de Rome, en l'absence d'un gouvernement centralisateur et d'une volonté de standardisation, il semble que plusieurs valeurs de lieues aient prévalues en Gaule, toutes d'une valeur plus grande que celle utilisée par les Romains. Les valeurs communément calculées ou relevées s'étagent d'environ 2400 à 2500 mètre, avec une très forte prédominance pour les valeurs de 2415 et 2436 mètres, selon les exemples retenus. Ces chiffres précis sont directement en relation avec un pied de base.

     Il faut y voir l'influence du mode de détermination de ces unités, souvent basé sur des grandeurs physiologiques humaines, le pied, le pouce, la coudée. Mais nul ne peut prétendre que ces grandeurs aient été identiques en fonction des peuplades considérées, ni qu'un pied de géant blond des Tongres soit de la même taille que celui d'un petit Sotiates, brun et trapu. La coudée valait un pied et demi et la lieue 5000 coudées, chiffres ronds et quasi universels. Pour nos calculs, nous utilisons une valeur moyenne de 2450 +/- 50 mètres, bien centrée dans la plage des valeurs, réduisant ainsi les marges d'incertitude. Ceci correspond à un pied d'environ 32 centimètres et demi, étrangement identique à la valeur du Pied du Roy qui prévalait en France avant l'adoption du système métrique. Alors, le Pied du Roy, survivance du pied gaulois ? C'est ce même pied que l'on retrouve à Lyon et dans différentes villes du sud-est comme module de base des inscriptions monumentales. Mais lors de l'étude d'un itinéraire, dès qu'une valeur précise aura pu être déterminée dans un segment incontestable, c'est cette valeur qui sera utilisée pour déterminer la suite de l'étude du parcours.

     Ce sont évidemment ces valeurs apparemment hétérogènes qui embarrassaient Rome ! Comment exprimer la distance de Rome à Mediolanum Santonum, par exemple, si les unités changeaient au cours du trajet, sans aucuns rapports ronds avec l'unité purement romaine ? La lieue modifiée par Rome (raccourcie de 10 %), que nous appelons "lieue romanisée", résolvait ce problème et permettait une apparente cohérence dans les tables et itinéraires.

     Il est symptomatique que la Table de Peutinger prenne la peine de mentionner : "Lugdunum caput Galliarum usque hec Leugas" (Lyon, capitale de la Gaule, jusqu'ici en lieues). Ammien Marcellin précise pour Lyon "Ce point est la tête de ligne des Gaules et, à partir de là, ce n'est plus en mille mais en lieues que les distances sont mesurées". L'Itinéraire d'Antonin continue d'afficher imperturbablement ses distances en mille : "M(illia) p(lus) m(inus)" ou M(illia) P(assus)", alors que les distances sont incontestablement exprimées en lieues. Mais quelles lieues ? La plus grande confusion règne en ce domaine ! Dans la suite de ce texte nous appellerons la lieue romanisée (2,222 Km) = Lr et la lieue gauloise (2450 +/- 50 m) = Lg (avec prédominance très fortement marquée des valeurs de 2415 m et de 2436 m), cependant que l'appellation du mille (1481 m) = Mp.

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